J’ai accouché au mois d’août 2013 de ma merveilleuse fille.
Mettre au monde mon bébé en présence de son papa fut un moment extraordinaire dont je garde un très bon souvenir.
Le retour à la maison et les trois premiers mois de bébé à nos côtés, prenant sa place dans nos vies, se déroulèrent sous les meilleurs auspices.
Puis, la date de la reprise du travail approcha.
Au début de cette première grossesse, je trouvais que les deux mois et demi accordés pour le congé maternité étaient suffisants pour se remettre de l’accouchement et reprendre le travail en pleine forme. Je ne prenais en compte à ce moment-là que l’aspect physique.
C’est sur les conseils avisés de ma sage-femme, lors de notre premier rendez-vous de préparation à l’accouchement, que j’ai envisagé de repousser l’échéance de la reprise d’un mois et demi.
Technico-commerciale, je m’occupe d’un secteur géographique couvrant un quart de la France, ce qui occasionne des déplacements quasi quotidiens et de longs trajets, ainsi que quelques nuits à l’hôtel.
Avec mon conjoint, nous avons donc cherché un mode de garde très tôt pour notre bébé encore bien au chaud. Tout fut validé au mois de juin, un engagement réciproque fut signé avec l’assistante maternelle sur la base d’une garde de 50 heures par semaine, et j’ai prévenu mon entreprise de mon souhait de joindre mes forces à celles de l’équipe commerciale à compter du début de l’année 2014.
Tout était réglé comme du papier à musique et se passait à merveille.
Mais… tout s’est compliqué pour moi quand il a fallu que je me fasse à l’idée de passer de 100 % de mon temps avec ma fille à un pourcentage infiniment plus faible. J’ai commencé à réaliser cela fin novembre.
J’ai alors pris le parti de faire la demande d’une reprise du travail à temps partiel auprès de mes supérieurs. On m’a vivement invitée à reprendre à temps plein (condition requise pour l’atteinte des objectifs). Ma demande ayant reçu une réponse défavorable, je m’inclinai.
Toutefois, en parlant de cette échéance autour de moi quand le sujet se présentait et que certaines personnes me demandaient si je reprendrais à temps partiel, cette idée revint à la surface, puis se fit de plus en plus présente dans mon esprit pour finir par m’obnubiler.
Je n’arrêtais pas de penser à ce temps que je ne pourrais plus partager avec ma fille. Je me disais que j’allais passer à côté de beaucoup de moments importants de son développement. Que je serais pas assez présente pour elle quand elle aurait besoin de moi. Et je pensais à moi aussi, autant qu’à elle.
Oui, elle a besoin de moi, et moi j’ai besoin d’elle.
Je l’allaite, nous sommes en symbiose, indispensables l’une à l’autre, interdépendantes.
Je me répétais que les enfants sont la plus belle chose qui nous arrive dans la vie, qu’il ne faut pas passer à côté de leur croissance, de tous ces instants précieux qui ne reviendront jamais. Je ne veux pas avoir de regret et me retourner un jour en me disant que j’aurais dû faire différemment, envisager cette période d’une autre manière et oser demander ce qui me tenait à cœur.
Je n’arrivais plus à trouver le sommeil et lorsque je regardais ma petite beauté, je fondais en larmes. Au lieu de profiter de ces moments de bonheur qu’il me restait à passer à plein temps avec elle, j’en arrivais à les gâcher. J’avais le sentiment qu’on allait m’en priver, mais m’en priver totalement. L’idée de cette séparation m’angoissait au plus haut point.
Quand j’abordais le sujet auprès des femmes de mon entourage, toutes mamans d’âges différents, j’avais l’impression que ce sentiment était rare, m’était propre, qu’elles avaient repris leur travail sans problème, sans connaître cette submersion angoissante, cette impression de noyade sans trouver une main tendue pour me sauver.
J’en parlais aussi à mon conjoint qui faisait de son mieux pour me réconforter, mais il était démuni face à mon mal-être.
Je cherchais toutes les solutions qui pourraient me permettre d’aménager mon temps de travail, des propositions à faire à mon employeur, comme poser des jours de congé chaque semaine afin que cela corresponde à un temps partiel.
Je me sentais mal. Je déprimais. Je m’en rendais malade. Le psychologique se répercutait sur le physique. Je me sentais fatiguée, j’avais des maux de tête.
Je me sentais seule et ne savais pas quoi faire pour m’en sortir. J’avais l’impression d’appeler à l’aide mais que personne ne m’entendait. Moi qui étais sur mon petit nuage depuis trois mois en tombais, et je n’arrivais pas à ouvrir le parachute.
Dans cette détresse, j’ai décidé de faire appel à des personnes ressources. J’espérais trouver enfin dans cet appel à l’aide du réconfort, de la compréhension. Et j’ai frappé à la bonne porte : celle de ma sage-femme. Elle qui, plusieurs mois auparavant, m’avait incitée à prendre le congé parental à la suite du congé maternité, car le temps allait passer trop vite et qu’après trois mois j’aurais l’impression que je venais d’accoucher. Ah, qu’elle avait raison ! Précisément. Pourtant, je croyais presque qu’elle exagérait quand elle m’avait dit ça ! Elle m’a donc écoutée, elle a compris mon désarroi (quel soulagement de me sentir comprise). Elle m’a dit qu’« une femme n’est pas faite pour laisser son bébé au bout de trois ou quatre mois ». Que c’était normal. « Normal ». Je n’étais donc pas un cas isolé. D’autres mamans ont dû, doivent et devront (les pauvres) subir cette épreuve qu’est la séparation d’avec ce bébé tant aimé plusieurs heures dans la journée, plusieurs jours par semaine. Cette sage-femme m’a donc invitée à oser aborder le sujet avec les personnes concernées. Une reprise seulement à l’issue des six mois du congé parental me paraissait très compliquée et abusive par rapport aux personnes impliquées, et compliquée financièrement également. Une reprise à temps partiel paraissait plus abordable.
Cette conversation a été salvatrice, elle m’a donné la force de parler de mon besoin de passer encore le plus de temps possible auprès de ma fille, tant à sa future nounou qu’à ma direction.
Ce même jour, j’ai également joint par téléphone une assistante sociale de la caf que j’avais rencontrée lors de notre choix de mode de garde. Elle m’a mise en relation avec une personne de la pmi qui est venue me rencontrer quelques jours plus tard afin que nous échangions au sujet de la séparation.
L’après-midi même, lors d’un rendez-vous avec la future nounou de bébé, j’ai expliqué que je vivais très mal ce changement. Elle a tout de suite compris. Elle a accepté de réduire le temps de garde de bébé à mi-temps jusqu’à la fin du congé parental si je le souhaitais. Je n’en croyais pas mes oreilles. Cette réaction m’a très agréablement surprise et m’a confortée dans le choix de la personne qui allait garder notre fille ; elle faisait preuve d’un geste empreint de beaucoup d’humanité et de générosité à mon égard.
Dans cette lancée, j’ai contacté dans la soirée mon directeur. Ce dernier ayant plusieurs enfants, j’espérais qu’il m’accorde une oreille attentive. Toutefois, j’en étais à ma deuxième demande. Il a entendu ma requête mais a souhaité consulter et prendre une décision conjointe avec deux autres membres de la direction.
Deux jours plus tard, il répondait favorablement.
Ça y est, j’ai repris le travail à 3/5e pour quatre mois ; le temps de m’adapter en douceur à cette « séparation ». J’en suis ravie et bébé semble l’être elle aussi chez sa nounou auprès d’autres enfants.
Cette reprise n’était donc pas aussi insurmontable que je l’imaginais.
L’important était d’identifier les bons interlocuteurs et de trouver les meilleures solutions afin de vivre cette période difficile dans les meilleures conditions.
Quoi qu’il en soit, moi qui croyais que les deux mois et demi de congé maternité avant la reprise du travail servaient juste à se remettre doucement de l’accouchement, j’ai compris que cette idée était complètement dépourvue des aspects affectifs et émotionnels de la situation…
C’est dur de recouper le cordon…
Bon courage à toutes les mamans qui travaillent.
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