Comment commencer ce témoignage, sans repartir du début ? Ce début difficile. Ce 28 août 2018, où grâce à une cœlioscopie, un gynécologue a enfin mis un mot sur mes douleurs présentes depuis si longtemps : endométriose. Une endométriose un peu particulière, puisqu’elle me provoque des douleurs à l’épaule droite pendant les 48 premières heures de mes règles (oui, oui, vous avez bien lu, à l’épaule, et non, je ne suis pas folle ou sous l’emprise du mommy brain, promis). Le choc. Ensuite tout s’est enchaîné très vite : les essais bébés « naturellement », puis les tests pour démarrer une pma…, et enfin le miracle, ce petit bébé qui vient se loger au creux de mon utérus, le jour où j’ai signé ma prise en charge 100 % pour infertilité à la cpam.
À partir de ce moment-là, j’ai nagé dans un nuage de bonheur… Une grossesse au top. Un accouchement merveilleux. Un allaitement qui démarre très bien. Un bébé serein, avec qui je fusionne et que j’aime démesurément. J’ai baigné pendant des mois dans l’ocytocine. Je suis née, moi aussi. L’accouchement a été une révélation. Jamais de ma vie je n’ai vécu un moment si intense, jamais je ne me suis sentie aussi forte et puissante qu’à ce moment-là. Je le sais, désormais, j’ai une force en moi que je n’imaginais pas. Cette aventure m’a vraiment révélée. Moi qui doute souvent de mes capacités, depuis ce jour, je garde en moi le souvenir de cette force que j’ai été capable d’avoir. De l’acte que j’ai accompli. J’ai donné naissance à un enfant. Un petit corps est né, grâce à mon corps. Encore aujourd’hui, plus de dix mois après, je ressens ces émotions fortes qui m’ont traversée à ce moment-là.
Être maman est devenue mon activité à plein temps (j’ai posé un an de congé parental). Ma vie à part entière. Le plus beau rôle de mes jours et de mes nuits. Aussi beau que difficile. Difficile par son intensité, par les nuits hachées. Mais il y a tellement d’amour, alors je tenais.
Sauf que, les nuits hachées, ça dure... pendant des mois. Pas quelques jours ou quelques semaines, non. Des mois. Des mois de réveils toutes les heures, ou deux heures maximum. De siestes sur moi en porte-bébé, ou contre mon corps accroché au sein. Des heures et des heures à bercer. Le jour, la nuit. J’adore ça. Vraiment. Vraiment.
Mais, à côté de l’amour qui grandit de jour en jour, la fatigue s’est immiscée dans mon quotidien. J’ai commencé à appréhender comment allaient se dérouler les nuits, à avoir des problèmes de sommeil. Malgré l’épuisement, je n’arrivais pas à m’endormir. Pendant que ma fille enchaînait des réveils toutes les heures à partir de 21 heures, moi je l’attendais, ultra vigilance activée, jusqu’à 1 heure, 2 heures du matin. Impossible de fermer l’œil alors que j’étais pourtant extrêmement fatiguée. Moi qui n’ai jamais eu de problème de sommeil, j’ai pensé à tous ces gens insomniaques. Comme je vous comprends maintenant…
La fatigue intense amène tout son lot de conséquences, que je ne connaissais pas : irritabilité, manque de patience, pleurs au moment d’endormir ma fille (pour moi, les pleurs)…, un vrai conflit à commencer à se manifester en moi. Le plus beau rôle de ma vie a commencé à devenir difficile, pesant. Je ne comprenais pas pourquoi. Moi qui avais tant d’amour pour elle, moi qui étais prête à tout pour elle…
Et puis, tout s’est enchaîné très vite. Il y a un mois, j’ai craqué. Cela faisait déjà un bon mois que le sommeil, surtout les endormissements étaient vécus de mon côté comme très difficiles. On m’avait pourtant prévenue que la période des 9 mois était difficile, eh bien, nous l’avons vécue à fond ! Ni le sein ni le porte-bébé ne l’endormait. Et un jour j’ai craqué. Je me suis mise à pleurer, sans pouvoir m’arrêter. Pendant 30 minutes, je suis restée à côté de ma fille, à pleurer. À lui dire que j’étais désolée mais que je n’y arrivais pas, que j’étais épuisée, que j’étais une mauvaise maman, tout ça, tout ça… Ma fille s’est finalement endormie en tétant. Entre temps, j’avais contacté ma sœur et sollicité mon conjoint pour qu’ils viennent m’aider. Quand ils sont arrivés, ma sœur s’est occupée de ma fille, pendant que mon homme m’a consolée et rassurée comme il a pu. Notamment en me rappelant à quel point c’était difficile ce que je vivais depuis des mois (le manque de sommeil, le cerveau H24 en vigilance sur ce petit être qui avait tant besoin de moi).
La chance que j’ai eue, c’est que j’avais programmé un rendez-vous le lendemain avec une kinésiologue, pour aller explorer différemment des potentiels « blocages » qui m’empêcheraient de m’endormir, ou bien empêcheraient ma fille de bien dormir elle aussi, par mon intermédiaire.
Et là, magie de la kinésiologie, du lâcher prise ou des deux combinés…, beaucoup de choses se sont éclaircies dans ma tête. J’ai pris conscience qu’en devenant maman, j’ai cru que j’étais devenue surhumaine. Depuis que ma fille était sortie de mon ventre, depuis que j’avais réussi à créer un bébé, à le mettre au monde. J’ai cru aussi que seul l’amour suffirait. L’amour que j’avais pour elle et qui me portait depuis des mois. Cet amour si fort que je n’avais jamais connu. J’ai complètement oublié que j’étais, certes, une femme, une mère, donc une warrior, mais que j’étais aussi humaine. Avec des besoins vitaux. Avec des émotions, diverses et variées. J’ai oublié que des moments de « down » feraient toujours partie de ma vie. Qu’en devenant maman, j’avais signé un pacte d’amour pour la vie, mais que cela ne garantissait en rien que j’allais être heureuse à chaque minute qui passe. Oui, je sais, ça peut paraître idiot, mais c’est vraiment ce que je croyais. Je pensais qu’à partir de sa naissance, j’allais être heureuse tous les jours de ma vie, tout le temps. Que je supporterais tout, sans broncher.
Alors que non. Je suis humaine.
J’ai des besoins vitaux. Dormir en fait partie. Le manque de sommeil prolongé est une technique de torture dans certains pays, et moi, j’ai cru que mes nuits hachées n’auraient aucun impact sur moi. J’ai commencé à accepter le fait que ce manque de sommeil pouvait m’affecter.
Et comme je suis humaine, j’ai aussi des émotions, en tout genre. Je suis parfois triste, parfois en colère. Et ça, même à cause de ma maternité. Même si je suis la plus heureuse d’être devenue maman et que j’ai conscience de ma chance, cela n’empêche que parfois, c’est difficile. Parfois ça m’agace, parfois, ça me saoule, parfois je suis en colère. Je me suis enfin accordé le droit de penser tout ça, parfois. Et ça n’enlève rien à mon amour pour ma fille, et à ma joie d’être devenue maman.
Deux nuits après toutes ces aventures, je m’endormais « comme un bébé » (ha-ha, je sais maintenant que cette expression est totalement fausse !). Depuis, mes endormissements ne sont plus un problème. Je n’ai plus pleuré à cause de ma maternité, par contre, je parle beaucoup à ma fille. Je lui dis quand je suis énervée ou fatiguée, je lui explique pourquoi. Je lui dis aussi que mes émotions ne la visent pas. Qu’elles m’appartiennent et que je suis une adulte, totalement capable de les gérer et de vivre avec. Et surtout, surtout, que ça ne change absolument rien à mon amour pour elle. Qu’elle fait de son mieux, et que moi aussi.
Pourquoi j’ai voulu vous raconter tout ça ? Car deux jours avant mon « craquage », alors que j’étais au parc, j’ai rencontré une amie d’amie, maman d’une petite fille de 16 mois, qui disait que les nuits de sa fille s’étaient nettement améliorées quand elle avait enfin accepté que son rôle de maman n’était pas parfait, que parfois ça la saoulait, et que ça lui arrivait d’en avoir vraiment marre. Ce jour-là, je me souviens m’être dit « oh ! là, là ! mon Dieu, jamais je ne veux penser un truc pareil, c’est affreux de penser ça, elle doit être tellement triste, et sa fille aussi ». Aujourd’hui je pense que ce témoignage m’a vraiment aidée à accepter mes propres sentiments et à lâcher prise sur cette perfection que j’imaginais de la maternité. Alors, si mon témoignage peut aider, ne serait-ce qu’une d’entre vous à lâcher prise, je me dis qu’il aura servi à quelque chose.
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