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"L’enfant est naturellement attiré par l’animal (animal sauvage, animal domestique, ou même les insectes). Par cet intermédiaire, j’ai le sentiment qu’il cherche à maintenir sa relation à la nature et au monde qui l’entourent. À mon sens, ce lien, ce contact est nécessaire et archaïque."
17 nov. 2022
Temps de lecture : 5 min

Se relier à nos besoins primitifs

La condition de développement de notre cerveau fait que nous passons par différents états (du monde liquide invertébré au batracien, puis au mammifère), que nous retrouvons encore lors des trois premières années de vie terrestre. Cette évolution observée entre 0 et 3 ans est une sorte de validation de l’ensemble des fonctions de notre cerveau, permettant par la suite la maturité de chacune d’elles par l’expérience et l’apprentissage.

 

L’influence de l’éducation : l’expérience d’une maman

À cet égard, nous avons observé chez notre fille le changement entre 2 et 4 ans. L’impact de l’apprentissage et de l’éducation est évident. En ce qui me concerne, j’ai été traumatisée dans mon enfance par des chiens et j’ai, depuis, développé une grande peur vis-à-vis d’eux. Jusqu’à très récemment, cette crainte (que j’ai, malgré tout, essayé de dompter pour éviter d’influencer le jugement et les émotions de ma fille) n’avait que peu d’impact sur la relation qu’elle pouvait avoir avec cet animal. Mais, lors d’un séjour chez ses grands-parents, elle a vécu une situation de peur en jouant à la balle avec leurs deux chiennes labrador. C’est de retour à la maison qu’elle m’a exprimé cela, et qu’elle m’a demandé : « Pourquoi, toi aussi, tu as peur ? » C’était la première fois que je prenais conscience du lien émotionnel et subtil que je pouvais avoir avec elle, et de la responsabilité que nous avons en tant que parent ; de l’absolue nécessité à réaliser un travail intérieur pour libérer nos enfants des traumatismes, émotions ou conflits hérités.

 

La relation retrouvée : de la peur à la confiance

Nous avons travaillé sur ce contact-là, et c’est lors des dernières vacances que notre fille a repris contact avec les chiens, dominant sa peur grâce à sa petite cousine de 2 ans qui l’a rassurée. Je me souviens de cette scène : ma fille accrochée à ma jambe qui demande à ce que l’on sorte le chien de la maison pour qu’elle puisse s’asseoir, moi qui veux la protéger et qui, inconsciemment, valide sa demande. Finalement, c’est sa petite cousine qui s’est approchée et qui lui a dit, les yeux dans les yeux : « Tu sais, il va être triste tout seul dehors, et puis il est gentil, il va jouer avec nous. » Ma fille, alors, m’a regardée et je lui ai dit de faire confiance. On a donc décidé de laisser le chien à l’intérieur, et après quelques minutes, les enfants jouaient à courir avec lui, le tout ponctué de grands rires ! Ma fille a passé l’après-midi à le caresser et à jouer avec lui, reprenant ainsi contact et confiance. Cette expérience a eu son importance puisque nous pouvons maintenant croiser un chien sans qu’elle s’accroche à nous et nous dise « j’ai peur ». Belle réussite !

 

Complicité, jeux… et pouvoir

Prenons ensuite l’exemple de la relation avec notre chatte de 8 ans. Déjà tout bébé, ma fille réagissait aux miaulements et aux ronronnements de cette dernière. Elle a plaisir, aujourd’hui, à lui ouvrir la porte ou à la nourrir. Bien que méfiant, parfois, l’animal apprécie ce contact avec elle.

Par ailleurs, nous avons conscience que notre fille profite également de sa présence pour exercer son autorité et son pouvoir ! À l’occasion du colloque de Résilienfance sur la médiation animale, un vétérinaire évoquait la maltraitance des animaux par les enfants. Cette intervention m’a beaucoup marquée et j’adhère complètement à ce point de vue : les enfants exercent un pouvoir sur l’animal qu’ils aiment et dont ils abuseraient parfois selon leurs émotions et leurs états d’âme.

Et là encore, notre fille nous a apporté des réponses. Petite, elle a naturellement joué dans la terre, à la recherche d’insectes en tout genre, avec l’intérêt de trouver un être vivant caché, mais aussi avec le besoin de recherche quasi « scientifique ». Et c’était très étonnant de la voir collecter un ensemble d’insectes avec une pelle et un panier, puis les observer avec une rare attention, et enfin, après un long moment, les découper en morceaux ou les noyer… Ensuite, elle venait généralement nous montrer ces grandes découvertes avec un large sourire rempli de fierté, nous annonçant que les insectes étaient tous morts ! C’est alors l’occasion d’expliquer le cycle de la vie (naissance avec les larves, transformation avec les cocons, vie et mort).

Plus tard, elle a fait un lien surprenant lors du décès de ma grand-mère en exprimant le fait que cette dernière ne bougerait plus et serait toute blanche comme le millepatte qu’elle venait de noyer !

 

Une relation ambivalente

Cela nous rappelle les besoins archaïques que l’homme possède naturellement et qu’il doit apprendre à maîtriser durant son existence : jouissance, possession et puissance. Et malheureusement pour l’animal de compagnie, il peut parfois assouvir les pulsions de l’enfant sur ces trois principes !

Notre chat est considéré par ma fille comme un membre de la famille ; pour autant, elle tentera de l’attraper violemment, se permettra de lui crier dessus, ou de la taper avec ses jouets… Dans ces moments, elle peut ne pas comprendre que ces gestes sont violents, et cela malgré de grands moments de complicité comme courir ensemble dans le jardin, ou des instants calins.

 

Et si l’animal y trouvait son intérêt ?

Enfin, pendant mes deux grossesses, notre chat a passé son temps à faire des siestes sur mon ventre. Sentir mon bébé réagir dans mon ventre à ce moment-là m’a questionnée : cette réaction était-elle le signe de la « connexion » directe entre le fœtus et l’animal, ou bien la conséquence de la détente que je pouvais ressentir à ce moment-là ? Dans tous les cas, c’était pour moi un vrai moment de bien-être, et bercée par les ronronnements, les siestes étaient alors revigorantes.

Cependant, après la naissance de mes filles, j’ai ressenti un comportement craintif de la part du chat ; et plusieurs semaines lui ont été nécessaires pour revenir vers moi et aller à la rencontre des nouveau-nées, avec à la fois respect, douceur et crainte. Une sensation de prise de distance et un temps juste pour une sorte d’apprivoisement respectif.

L’enfant est naturellement attiré par l’animal. Par cet intermédiaire, j’ai le sentiment qu’il cherche à maintenir sa relation à la nature.

Notre chat a toujours eu une très grande proximité avec les membres de notre famille, mais je ne sais pas dire si cela provient de l’affection que nous lui portons ou de son caractère naturel. Finalement, l’attitude de notre chat autour de la périnatalité m’interroge, et m’interpelle sur le champ des possibles dans la relation homme-animal.

Pour conclure, je dirais que le chat comme animal de compagnie permet d’intégrer dans la maison et dans le quotidien un contact direct avec un être « sauvage » qui agit et réagit, encore, par instinct. L’enfant doit s’adapter à cela. C’est une remise en relation avec la nature qui fait tant défaut dans nos environnements trop souvent déconnectés et aseptisés.

Une citation du Petit prince, d’Antoine de Saint-Exupéry, résume bien ce que je ressens avec notre chat : « Mais si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde » (1999, p. 72). Le caractère précieux et unique de notre relation. Précieux car relativement éphémère, et unique parce que, même si nous l’avons eu chaton, il a bien fallu que l’on s’apprivoise pour se comprendre et échanger.

Enfin, notre chat apporte un équilibre à notre famille, permet l’apprentissage de la responsabilité à notre fille (le nourrir) et de beaux moments de partage et de complicité authentique, tout en douceur. Nous espérons continuer longtemps à vivre ces instants.

 

Photo by Chewy on Unsplash

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