Article

Dans cette rubrique des mères, pères, grands-parents, témoignent de leurs parcours dans cette aventure autour de bébé. Ces "Paroles de Parents" sont récoltées et coordonnées par Régine Prieur.
03 mars 2022
Faustine
Temps de lecture :

J’imagine qu’il est difficile de réaliser le changement qu’apporte une première naissance dans un couple avant d’avoir été parents pour la première fois... Je sais qu’il est impossible de réaliser ce que signifie être parents de jumeaux avant d’avoir été parents de jumeaux pour la première fois !

Voilà, je suis maman de jumeaux qui ont eu 6 mois hier. Ce sont de faux jumeaux garçon-fille. Le rêve ! Si on nous avait donné le mode d’emploi avant, c’est ce qu’on aurait cherché à réaliser. Dans notre univers imaginaire de futurs parents, nous voulons trois enfants. Vu qu’on a déjà dépassé la trentaine, on s’est dit que ce serait bien d’en avoir deux d’un coup : encore mieux que des grossesses rapprochées ! Qui plus est, j’ai grandi fille unique dans l’ennui, et le fait d’avoir des jumeaux garantit à mes enfants de ne pas subir le même sort. 

Bref, la belle théorie... Mais si je prends le temps de me mettre devant un clavier aujourd’hui, ce n’est pas pour vous parler de mes rêves mais plutôt de la réalité ! Avoir des jumeaux, ça commence par une grossesse double : deux poches, deux placentas, deux enfants en construction, deux fois plus de risques d’avoir un souci quelconque. Vous êtes donc surveillée comme le lait sur le feu. Au début, j’ai trouvé ça agréable parce que ça permettait d’avoir des échographies mensuelles là où on a juste trois échographies pour une grossesse simple, donc on a pu observer leur croissance de près. Mais après la première hospitalisation et le début de la « surveillance renforcée », j’ai très vite changé d’avis.

La grossesse s’est déroulée à merveille jusqu’au cinquième mois. Puis on a constaté un décalage de croissance entre les deux bébés. L’un des deux a grandi plus lentement. Pourquoi ? La médecine a du mal à trouver des réponses avant la naissance sans risquer des explorations qui pourraient être préjudiciables. Et c’est là que les désagréments commencent. J’ai été hospitalisée une première fois à 26 semaines d’aménorhée (sa), monitoring et constat de baisse de rythme cardiaque au moment des contractions pour mon petit bonhomme. C’était sévère, donc on nous a proposé une césarienne à 5 mois et demi, car les médecins peuvent agir sur le bébé à l’extérieur (machines, tuyaux, seringues, médicaments...) mais pas à l’intérieur. La petite fille allait bien, et on nous a dit aussi que la césarienne à ce terme lui ferait sans nul doute plus de mal que de bien, mais que si on voulait sauver son frère... Je ne sais plus quelle a été la tournure employée par les médecins mais j’ai compris qu’on m’a posé la question : combien voulez-vous d’enfants ? Lequel voulez-vous sauver ? (Le garçon, en le sortant maintenant, ou la fille en la laissant au chaud où elle est si bien). « Vous savez, une grossesse gémellaire, on n’est jamais sûrs d’avoir deux enfants en fin de compte, jusqu’à la dernière minute. »

Voilà, ça a fracassé ma grossesse, ma confiance et mon enthousiasme. J’ai mis quinze jours à remonter la pente. Le futur papa a tellement stressé qu’il voulait m’attacher au canapé en partant travailler le matin pour être sûr que je ne fasse rien, car c’était son seul moyen de protéger ses (futurs) enfants. Si, aujourd’hui, tout le monde va bien, ça n’a pas été simple d’en arriver là. Pour résumer, on a refusé la césarienne et demandé à rentrer à la maison. On a accepté de démarrer une smr : surveillance médicale renforcée. Ça donne le ton : deux monitorings par semaine chez la sage-femme, puis trois, puis tous les jours, échographies tous les quinze jours (jusqu’à deux par jour la dernière semaine). J’ai eu l’impression de ne jamais être en congé maternité : toujours des rendez-vous médicaux où il fallait courir ! Côté moral et confiance, j’ai été angoissée toute la fin de grossesse, à guetter les mouvements des deux côtés, surtout à droite, car c’est lui qu’on surveillait. En réalité, il y a vraiment eu un souci médical que nous avons compris bien plus tard, un mois après l’accouchement, en recevant les résultats de l’analyse des placentas. Ça s’appelle une hypotrophie placentaire, et c’est plus ou moins rare selon le degré de gravité. Ma fille grandissait bien, mon garçon pas du tout. Chez nous elle était sévère, ce qui nous a contraints à accepter une césarienne programmée avant terme. Les médecins ont, quant à eux, accepté de nous laisser poursuivre cette grossesse le plus longtemps possible. Je réalise maintenant quel combat on a réussi à mener, malgré les diagnostics tous plus accablants les uns que les autres. Mon instinct m’a guidée et m’a mise sur la bonne voie. Il faut savoir s’écouter !

À la naissance les bébés, ils sont partis en service de néonatalogie, et moi dans ma chambre, en suites de couches. Comme je voulais allaiter, on m’a amené un tire-lait le lendemain matin de ma césarienne en me disant de tirer huit fois par jour toutes les trois heures, même la nuit, au maximum de la puissance. J’ai suivi ce protocole et, au bout de trois tirages, j’ai saigné au niveau du téton. Merci, les auxiliaires de puériculture et leurs instructions au lance-pierre, et vive mes quatre semaines pour soigner la crevasse... Heureusement, le papa est allé commander le bon tire-lait à la pharmacie et j’ai pu continuer. 

On a couru un véritable marathon. C’est le souvenir que j’en ai. En voici les étapes, en vrac :

– maman et bébés séparés dans deux parties d’hôpital différentes (deux hôpitaux différents reliés par un couloir pour ne pas devoir passer dehors avec la chaise roulante, et tant mieux car j’ai accouché fin novembre et il a gelé cette semaine-là) ;

– tirer son lait toutes les trois heures dans ma chambre en suites de couches ;

– aller voir les enfants et faire du peau-à-peau (une heure minimum hors temps d’installation), ou participer aux soins dès que possible (bains, couches, alimentation) ;

– essayer de leur proposer le sein en plus de leur alimentation par sonde naso-gastrique ;

– et le reste (manger, dormir, se laver, prévenir la famille et les amis...).

On a beau le tourner dans tous les sens, c’est difficilement réalisable sans faire de concessions (sur la douche ou les repas par exemple, ce qui n’est jamais une bonne idée). 

Mais, là encore, mes deux enfants étaient au même endroit et, finalement, en transportant le tire-lait avec moi, j’arrivais à peu près à m’organiser pour tout suivre, sauf les repas livrés dans ma chambre. 

Ça s’est compliqué quand ma fille est sortie des soins intensifs et qu’on a eu une chambre parents-enfant, car là mes deux enfants n’étaient plus côte à côte. Le principe des chambres parents-enfant est de préparer les familles au retour à domicile. On est comme à la maison mais avec le soutien des équipes médicales, leurs bons et leurs mauvais conseils, les infirmières sympas et celles qui nous plaisent moins, les pédiatres qui font des prescriptions sans avoir mis un pied dans la chambre, ni vu le bébé...

Voici ce que ça donnait à chaque cycle de trois heures : réveiller ma fille en lui changeant sa couche ; la peser ; la mettre au sein pour qu’elle essaye de téter, pendant 30 minutes ; la repeser pour savoir combien elle avait pris ; lui administrer le complément de lait non pris (d’après les quantités à absorber « prescrites » par le ou la pédiatre) via sa sonde naso-gastrique en aed, donc en poussant une seringue de lait très doucement : 45 minutes pour un repas complet en s’assurant tout au long de l’opération que le bébé ne manifeste aucun signe d’inconfort, de satiété ou de reflux ; tirer mon lait pour assurer l’alimentation de mon fils et les compléments de ma fille.

Tout cela s’est déroulé sur une heure trois quarts environ... Il reste une heure et quart avant le cycle suivant... Ce temps peut être dédié, au choix, à aller voir mon fils, le prendre en peau-à-peau ou juste le regarder, manger, dormir, prendre une douche, aller me faire retirer mes agrafes de césarienne, sortir téléphoner ou juste prendre l’air, regarder ma fille dormir, discuter avec des gens (le papa, d’autres parents, les équipes médicales...).

J’en pleurais huit fois par jour à chaque fois que je devais « choisir » ce que je pouvais me permettre de faire, surtout quand c’était « au détriment » de mes enfants, en particulier de mon fils. J’ai le souvenir vif de la culpabilité que j’ai développée de ne pas pouvoir lui consacrer autant de temps que je le voulais, notamment autant de temps qu’à sa sœur, dont je partageais déjà la chambre.

Aujourd’hui encore, il est rare que je passe une journée sans avoir pleuré, de fatigue, de difficulté, de frustration, de décompression, de bonheur ! Je pense qu’en six mois, j’ai eu moins de dix journées sans larmes. 

À notre retour à la maison, et après la reprise du travail de leur papa, je me suis retrouvée seule à gérer nos deux bébés durant la journée. Ils avaient 7 semaines. Le troisième jour, j’ai craqué. J’ai voulu les rendre, trouver le moyen de revenir en arrière, tout annuler ! Heureusement, c’est impossible et on surmonte les épreuves les unes après les autres. 

C’est très difficile de passer ses journées seule avec deux bébés. J’ai la chance d’avoir un conjoint qui a pris soin de moi pendant tout le temps de la grossesse et des débuts à la maison : courses, repas, ménage, lessives, changements de couches, portage en écharpe... Il a fait en sorte que je sois nourrie midi et soir pour pouvoir fabriquer du bon lait (d’après lui !). Il s’est inquiété de mon sommeil, souvent au détriment du sien, de mon confort et de celui de ses enfants.

Nous avons surmonté tout ça en famille et, même si c’est encore dur aujourd’hui, nos enfants vont très bien, ils sont beaux, souriants, lumineux, en pleine santé ! Je sais que notre situation médicale pendant la grossesse a rendu les choses plus compliquées au démarrage que la seule gémellité, mais d’autres s’en sont sortis avant nous, on s’en sort !

Voilà, je termine de rédiger cet article et mes enfants auront 7 mois demain, tout prend plus de temps dans ma vie. En me relisant, je peux ajouter ceci : je ne pleure plus, on passe de meilleures journées, les enfants et moi, ils sont en plein éveil, et c’est passionnant… J’arrive à leur faire faire une sieste simultanée l’après-midi, et parfois, je m’endors avec eux ; bref, on va bien mieux ! Quel que soit le long chemin de croix que peut être le démarrage, je commence à réaliser avec les miens ce qu’élever des jumeaux peut avoir de merveilleux...

Commentaires

Ajouter un commentaire

Vous devez vous connecter pour poster un message !

Contact

33 avenue Marcel Dassault
31100 Toulouse

05.61.95.67.35

hello@spirale.com

Newsletter personnalisée

Inscrivez-vous à notre newsletter personnalisée et recevez des informations et conseils sur les thèmes que vous souhaitez !

S’inscrire à la newsletter

© 2024 Spirale - éditions érès | Mentions Légales | Plan du site