Il y a deux ans et demi, je suis devenue l’heureuse maman de Timothée, un petit garçon joyeux, plein de vie et très attachant. Avant d’être enceinte, j’étais pleine de bonnes intentions, de promesses, de fantasmes et de certitudes (Ah, ça vous rappelle quelque chose ?) : « Jamaiiiiis je ne ferai ça avec mes enfants ! C’est normal que cet enfant n’écoute pas ses parents, tu as vu comment ils s’y prennent ? Il faut faire ceci, il faut faire cela. Moi, je ferai comme ça, c’est sûr. Mon enfant fera du foot/de la natation/du braille/du macramé/du lancer de nain/etc., je me vois déjà l’accompagner le samedi ! »
Faites-moi rire ! J’étais certaine qu’avec de l’amour, de la patience, de la douceur, de la compréhension, je ne serais pas cette maman débraillée, les valises sous les yeux, qui assiste tristement à la énième crise de son fils qui, ce soir, a décidé de se rouler par terre en pleine rue parce que... parce que... Faut-il une raison valable ? Tout étant prétexte à faire une crise en revenant de l’école, parce que…, c’est tout.
Oui, cette maman qui attend patiemment que les cris s’arrêtent tout en essuyant avec toute la dignité qu’il lui reste les regards tantôt apitoyés tantôt hostiles des passants… Hier, j’ai attendu de longues secondes en lui tenant la main fermement. (Mon autre main étant occupée par un cosy, lui-même occupé par le petit frère – vous visualisez la scène ?) Alors, premier réflexe : l’autoculpabilisation. Mais où est-ce que je m’y prends mal ? Où est-ce que je me trompe ? Mais c’est quoi, cette violence en lui ? Pourvu que ce ne soit pas le signe qu’il écorchera de petits animaux dans quelques années ! Souffle. Souffle et réfléchis.
Il a 2 ans et demi, période délicieuse du non à tout-va. Et il n’est pas avare, le bougre !
« Timothée, enlève ton pantalon, s’il te plaît. »
- NON !
- Timothée, enlève ton pantalon, s’il te plaît.
- NON !
- Bon, alors c’est moi qui te l’enlève (en joignant le geste à la parole).
- Noooooooooooooooon, c’est pas toi qui enlèves le pantaloooooon, c’est moiiiiiii !
- Pfffffffff, ok, mais alors fais-le !
- NON !
- (Désespoir.) Il me faut un mojito !
- Un quoi, maman ?
- Un mojito.
- NON ! Il ne te faut pas un moprito !
- Tu as raison, il m’en faut deux… »
Bon, il faut dire qu’il est fatigué. Moi ? si je suis fatiguée ? Laissez-moi réfléchir. Quel est le stade après « exténuée » ? Eh bien, vous le prenez, vous le multipliez par deux, et vous aurez une idée de mon état de fatigue actuel. Et ironiquement, l’état de fatigue est inversement proportionnel au stock de patience dont on dispose, vous avez remarqué ?
Il rentre de l’école, aussi, il a besoin de décharger. Et il est en train de digérer la naissance de son petit frère, il faut lui laisser du temps. Qu’est-ce que j’ai lu déjà ? Oui, ma bibliothèque regorge de manuels de parentalité positive, parentalité bienveillante, éducation non violente, éducation positive... Les appellations sont aussi pléthoriques que les marques de couches. Et tous vous promettent le saint Graal : faire de vous une maman calme. Vous savez, celle qui ne crie pas, ne punit pas et se fait toujours obéir. Celle qui sait toujours quoi dire et comment, parce qu’elle a bien conscience de ce qui est bon/mauvais pour ce pauvre petit ange et sait parfaitement se contrôler en toutes circonstances. Celle qui trouve plein de subterfuges malins, ludiques et pédagogiques pour le quotidien, qui chez elle n’est que nuage de douceur, arc-en-ciel et paillettes. Celle dont la maison est en vrac, mais qui s’en moque. « Ils sont tellement pleins de vie, mes petits chérubins, je préfère passer du temps avec eux que d’en perdre au ménage. » Celle-là est immunisée contre la poussière, la crasse, le désordre et l’agression par des chaussettes sales, ou quoi ? Si cela fait partie des prochains vaccins obligatoires, je prends ! En ayant des enfants, on revoit forcément à la baisse les exigences de propreté. Y compris les siennes ! Ah si, faut en être conscient : les premières semaines, prendre une douche avant 18 heures mérite une danse de la victoire et l’ouverture d’une bonne bouteille, au minimum. Ah non, dommage, vous allaitez ! Et si vous ne voulez pas recevoir l’opprobre, vous avez intérêt à vous tenir à carreau et à faire montre d’abnégation. Alors, la coupette, vous oubliez !
Bref, tous ces bouquins, je les ai lus consciencieusement, par souci de bien faire. Il y a beaucoup de bonnes choses à prendre et à apprendre. Mais il faut aussi en laisser. Et surtout, ne pas les intégrer comme des dogmes ou des recettes magiques. L’effet pervers de ces ouvrages, c’est de provoquer très facilement la culpabilité des parents (voir plus haut, à l’étape mon-fils-se-roule-par-terre-et-là-tout-de-suite-je-le-vendrais-bien-sur-le-Bon-Coin).
« J’ai tout bien fait comme dans le livre et pourtant, il continue à se rouler par terre ! Soit j’ai raté un truc, soit je vais demander dare-dare le remboursement de cet attrape-couillon ! »
Mais non, rassure-toi, t’as rien raté, ma poule ! Tu as tellement la tête dans le guidon que tu as oublié un léger détail : ton fils et toi, vous êtes humains. Avec des émotions, des sentiments, des envies, des défauts, des limites. Et des casseroles. Alors des fois, ça marche. Et des fois, non. Et un enfant reste un enfant. L’élever, c’est sûr, ça remplit d’amour ton petit cœur tout mou, mais c’est difficile aussi. C’est éprouvant physiquement et moralement. Même en l’aimant de tout ton cœur, la nostalgie s’installe irrémédiablement un jour ou l’autre en repensant aux jours bénis où tu pouvais aller aux toilettes seule, et rester à peu près propre la majeure partie de la journée. Où tu pouvais manger ton repas dans le calme et en une seule fois. Où la couleur de l’assiette n’était pas sujet à hurlements.
Alors je retire tout ce que j’ai pu dire ou penser à propos de la façon de faire de certains parents. Je retire tout, je m’excuse, je compatis et j’envoie tous mes encouragements.
Aujourd’hui, je me fais une promesse solennelle : la prochaine fois que j’assiste à la crise d’un autre enfant que le mien (statistiquement, ça devrait arriver, il ne peut pas y avoir que le mien qui se roule par terre, si ?), je couvrirai du regard le ou les parents de toute la bienveillance dont je suis capable. Et si je le sens, je glisserai un : « Courage ! Ça va aller, ce n’est pas de ta faute ! »
En attendant, je vais ramasser le mien…
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