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Dans cette rubrique des mères, pères, grands-parents, témoignent de leurs parcours dans cette aventure autour de bébé. Ces "Paroles de Parents" sont récoltées et coordonnées par Régine Prieur.
03 mars 2022
Lucie
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Mars 2018, j’apprends que je suis enceinte de mon premier enfant. Naissent les premières angoisses mais, avec Hicham, le futur papa, nous sommes surtout fous de joie. Tout devient magique quand on pense à ce futur petit bébé. Une session shopping classique se transforme en session shopping bébé, une excursion au bord de la mer…, et on observe les familles d’un air béat en s’imaginant déjà à leur place dans quelques mois. Tout notre quotidien se teinte de cette future parentalité. Pendant les échographies, on est toujours émus d’apercevoir ce petit être. Dans l’intimité, Hicham me touche le ventre, parle au bébé. Il est très présent. 

Le 10 novembre 2018, Mila voit le jour et tous les deux nous sommes inondés d’amour pour ce bébé dont on rêve depuis qu’on a appris ma grossesse. On est sur un petit nuage. Les premiers mois, je pleure souvent d’autant de bonheur. Je suis transcendée par cet amour inconditionnel qui est né en moi à l’instant où mon regard s’est posé sur ce bébé. Tous les jours, à chaque sourire, chaque gazouillis, chaque mimique, c’est comme un uppercut en plein cœur.

Mais cette émotion si forte dans les beaux moments l’est tout autant dans les moments difficiles. Chaque pleur me déchire le cœur, me retourne le ventre. Je me pose mille questions. Sur mes épaules pèse la responsabilité du bien-être de cet enfant, alors je fais attention à chaque détail. La couture des chaussettes doit être bien positionnée pour ne pas lui faire mal au pied, elle doit être habillée pour n’avoir ni trop chaud ni trop froid, et ce ne sont que quelques exemples. J’ai l’impression que mon cerveau est en ébullition et en état de veille permanent.

Quand Mila a eu un peu plus d’un an, on s’est dit qu’on avait trouvé nos marques, que les choses devenaient de plus en plus faciles mois après mois. Et surtout qu’on formait maintenant une véritable équipe avec Hicham, chacun de nous avait trouvé sa place en tant que parent. On s’est senti la force de repartir dans cette grande aventure avec un deuxième enfant. J’allaitais encore Mila à l’époque et nous savions que ça pouvait freiner la fertilité. Alors sans pression, on se lance dans ce nouveau projet. On s’imagine que quelques mois vont passer avant que je tombe enceinte. Et finalement, quinze jours après avoir arrêté ma contraception, la grande aventure recommence ! Nous sommes heureux mais nous n’avons pas vraiment le temps d’y penser car la folie du quotidien avec Mila continue. On a une petite fille pleine d’énergie qui nous prend beaucoup de temps. On a envie d’être des parents présents et de profiter d’elle au maximum. On ne veut pas laisser filer ces moments...

Pour se faire sa place, cette grossesse me cloue au lit les trois premiers mois. Le quotidien devient plus lourd à gérer et à assumer. On se dispute davantage avec Hicham. J’angoisse à l’idée d’avoir ce nouvel enfant que j’ai pourtant voulu. Je me rends compte de tout ce qu’on a traversé depuis qu’on a Mila, de toute l’énergie et les sacrifices que ça nous a demandés, et j’ai l’impression que je n’arriverai jamais à refaire tout ça. Et puis, toute cette magie qui entourait ma première grossesse n’est plus là. Ce n’est plus nouveau, on sait à quoi s’attendre.

Je culpabilise de ne pas ressentir cette même excitation. Je voudrais que cet enfant puisse ressentir tout cet amour qui était déjà là quand j’étais enceinte de Mila. Mais là, c’est un peu comme si la vie continuait d’avancer et que, en silence, je savais que tout allait bien pour ce petit être au chaud dans mon ventre. Petit à petit, les mois passent, le bébé se met à bouger et les craintes s’estompent, mais il est certain que contrairement à la première grossesse, la vie ne tourne pas autour de ce futur bébé mais autour de l’enfant qui est déjà là. Pourtant, ce partage de temps qu’il faudra opérer quand le nouveau bébé sera né se fait déjà ressentir et amène son flot de culpabilité. Je n’ai pas tout mon temps à consacrer à ce bébé qui grandit en moi, et en même temps je suis affaiblie par ma grossesse et je n’arrive pas à profiter de tout ce que je souhaiterais avec mon premier petit bout... Pas facile d’être une maman...

Le 4 décembre 2020, Calie voit le jour. C’est un merveilleux accouchement mais très rapide, si rapide que j’ai presque du mal à réaliser que j’ai accouché. Je suis heureuse mais je ne me sens pas transportée dans un autre monde comme lors de la naissance de Mila. Quatre jours après mon accouchement, j’accueille la sage-femme en pleurs. J’aimerais que le temps soit suspendu. Accueillir une nouvelle vie c’est quelque chose d’unique. Mais rien ne s’arrête. Mila n’est encore pas bien grande, alors le quotidien doit continuer, presque comme d’habitude. J’ai l’impression d’être lancée dans un train à mille à l’heure et de ne pouvoir rien lâcher. Mon électroencéphalogramme des émotions est à plat. Je suis complètement déstabilisée. Je pensais replonger dans cette folie que j’avais connue avec Mila, cet état de vigilance permanent, ces uppercuts d’amour et ces excès d’angoisse.

Je ne suis pas traversée par tant d’émotions... J’ai honte de moi et j’en pleure régulièrement. Pourquoi est-ce que je ne suis pas submergée d’amour comme la première fois ? Ce petit bébé ne mérite pas ça.

Les jours, les semaines passent. Notre nouveau quotidien se met en place et je sens une joie m’envahir, et l’amour grandir en moi. Je me régale à observer Calie évoluer. Je suis fascinée par le fait de pouvoir être tout aussi comblée par ce bébé pourtant si différent de ce qu’avait été Mila. Tout est fluide et instinctif avec elle. Je ne me prends pas la tête, je suis à son écoute et tout paraît bien plus simple que la première fois. Tous les jours, je me répète : « Calie, il est si doux d’être ta maman. » Je prends les choses avec beaucoup plus de philosophie. Je connais déjà la réalité du quotidien avec un bébé. Ne pas pouvoir manger ou prendre ma douche quand je le veux, et sans interruption, ce n’est plus une surprise. Et surtout, je sais que tout ça passe très vite au final. 

Et je réalise alors que ce que je croyais être une absence d’amour pendant les premiers jours après sa naissance, c’était en fait cet amour différent mais tout aussi fort dont parlent tous les parents. Si je devais résumer en un mot mon expérience de mère avec chacune, je dirais qu’avec Mila c’est l’intensité, et avec Calie, la sérénité.

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